IDEAL SELF (2011)
Ma toute première performance à l'âge de 20 ans, durant laquelle on m'a artificiellement vieilli pour ma photo de graduation du Baccalauréat.
Cette photo symbolise la perception d'insuffisance qu'ont généralement les étudiants envers leur soi-actuel.
Cette photo symbolise la perception d'insuffisance qu'ont généralement les étudiants envers leur soi-actuel.
Montréal, 15 mai 2012
Je vous écris ces mots à reculons. Le sentiment qui m’habite aujourd’hui, près de 8 mois après la prise de cette photo, est loin du vigoureux sentiment de détermination qui m’habitait alors que je préparais mon coup. C’est en effet bien plus humblement que je vous exposerai ces quelques réflexions personnelles, qui justifieront finalement la pertinence de cette œuvre d’art, qui en est toujours une à mes yeux. Libre à vous de garder vos propres interprétations, ou d’accepter ces quelques pensées. Le souvenir de ce geste m’apparaît si lourd aujourd’hui, que je le considère parfois comme mien et parfois comme étranger, selon mon état d’esprit. Mais jamais je ne pourrai le regretter, car jamais un événement ne m’aura autant appris. À ceux qui m’auraient jugé trop rapidement, cette publication vous est dédiée, À ceux qui voudraient partager une opinion, ce serait un honneur pour moi de l’écouter, Et à ceux que j’aurai dérangés, tant mieux. Olivier Corneau --- Cette photo est d’abord le fruit d’une vision simplement esthétique; puis innovatrice au nom de l’innovation essentiellement. Cette graduation étant un événement ponctuel et unique, de même que les artifices entourant sa célébration, j’ai ressenti le devoir de saisir cette occasion pour faire les choses différemment, acceptant difficilement de rentrer dans un moule, de suivre le pas. Cette opportunité m’offrait également une visibilité fixée dans le temps, dans l’histoire d’une institution, dans l’album de finissant de tous ceux m’ayant côtoyé pendant ces trois ans… quoi demander de plus! L’idée qui m’apparut me remplit d’une énergie si intense, que j’allais nager contre le courant, aussi fort pourrait-il être. J’allais me faire vieillir artificiellement pour l’instant de cette photo, et ainsi déjouer toute logique. 200$ de maquillage, 70$ de photo, DEAL. Entouré de gens qui, tout comme moi, étudiaient et travaillaient fort dans l’optique de devenir éventuellement cet idéal d’eux-mêmes -auto-créé ou imposé de l’extérieur- je me demandais quel serait l’effet d’avoir accès à ce moi-idéal prématurément. Cependant, tout comme un travesti qui reste un homme sous son apparence de femme, j’allais rester un enfant sous une apparence adulte. Après avoir effectivement réalisé cette vision qui me hantait, grâce à une dose écrasante de confiance innocente, je me surpris à retirer beaucoup plus de réflexions et d’interprétations qu’ils n’en étaient attendus. Je croyais faire converger mon énergie et mon essence vers une œuvre d’art concrète, qui pourrait avoir un impact sur le monde. J’ai plutôt créé une bombe, avec les quelques matériaux banals que j’avais à ma disposition, qui m’aura finalement explosée au visage, me laissant sur des questionnements personnels bien plus grands que ceux que je croyais alors imposer aux gens. Ma première volonté était de saisir un moment unique dans la vie d’un individu, soit ce symbole fort de succès que représente la graduation, et de le tourner en une œuvre d’art unique, qui parasiterais autant cet événement singulier et les discussions populaires du moment, que les éléments physiques et tangibles qui l’accompagne. C’est d’ailleurs ce que j’ai répondu au photographe, en réponse à sa question «Pourquoi fais-tu ça?», j’avais simplement répondu «Pour créer un œuvre d’art parasitant.» Cette phrase improvisée ne faisant encore aucun sens à mes yeux. Mes réflexions suivant l’événement tournaient autour de la volonté d’un individu à contrôler l’incontrôlable, lire ici le rythme du temps, et l’âge de son corps. Loin de moi est la volonté de discuter de l’existence d’un Créateur suprême, mais plutôt de souligner ce curieux phénomène qu’est le désir d’une créature mortelle de s’élever au rang de Créateur suprême. Cette année sera pour moi celle où je me serai joué du temps et de mon propre corps, si ce n’est que pour l’instant de cette photographie, et j’accepte de prendre sur mes épaules le poids d’un titre trop lourd, celui de créatif, de Créateur. Ce sera donc évidemment sur des jambes tremblantes que je devrai amorcer mes premiers pas dans cette direction. C’est aussi devant un public insatiable et avide de divertissement que je me verrai évoluer prochainement, mais ça tombe bien, car je suis également insatiable et avide de repousser les limites du divertissement. Olicorno |